14 août 2007

Les mots de l'Eglise (1) : la liturgie

La plupart des mots qui structurent notre vie chrétienne puisent leur source et leur sens dans l'Histoire. C'est en partant du sens originel de ces mots que l'on peut aujourd'hui approfondir leur richesse, ce qui nous permet de mieux comprendre la symbolique du message chrétien.

Dans la Grèce antique, la liturgie est une contribution onéreuse d'origine privée destinée à une réalisation d'intérêt public. Autrement dit, une personne agissant avec ses propres deniers pour le bien des habitants de son quartier ou de son village. Comme les ressources financières publiques sont souvent maigres à cette époque, on a ainsi systématiquement recours aux financements d'origine privées pour la construction et l'entretien des bâtiments publics, de la voirie, des systèmes d'adduction, des gymnases, des théâtres, etc. Ces liturgies sont aussi nécessaires à l'organisation des grandes fêtes civiques qui rassemble l'ensemble de la population, citoyens, hommes libres et esclaves, qui bénéficient ainsi des largesses de l'élite riche des villages et des villes. Ces grandes fêtes sont structurées autour de cérémonies religieuses, à une époque ou politique et religion (polythéiste) vivent en parfaite harmonie. Ce qui est nécessaire à leur organisation est souvent d'ailleurs autant coûteux que les autres réalisations urbanistiques évoquées plus haut. Ainsi, pour les fêtes rendues en l'honneur du dieu ou de la déesse protectrice de telle ou telle cité, les fournitures sont nombreuses : amphores de vin et d'huile, corbeilles de légumes et de fruits, troupeaux d'ovins et de bovins offerts en sacrifice à la divinité; non pas que tout cela soit entièrement destinée à cette dernière, car celle-ci se contente d'humer la fumée des sacrifices effectués. En fait, toutes ces victuailles finissent sur les tables d'un gigantesque banquet gratuit organisé à l'issue des cérémonies religieuses et destiné à nourrir toute cette foule humaine ainsi réunie. C'est par cette manière que les cités antiques affirment ainsi leur unité et que la population qui les habitent signifie son adhésion à un corpus de valeurs communes qui fait le ciment de cette unité.

On retrouve par analogie ce sens antique du mot "liturgie" dans l'épisode du banquet miraculeux cité dans les Évangiles de Marc (8, 1-10) et de Matthieu (15, 32-39) où Jésus se comporte en "donateur providentiel" pour nourrir les 4000 hommes à partir de 7 pains et de quelques poissons; scène qui elle aussi a un ressort symbolique et correspond à un système de valeurs particulières mais dont le sens échappait encore aux participants de ce banquet improvisé, à l'instant du geste accompli; celui du Salut de la multitude par le sacrifice d'un seul, le Christ. Ce banquet est donc une anticipation de la Cène du jeudi Saint.

Aujourd'hui, dans l'Eglise catholique, la liturgie est porteuse d'un double sens : elle est d'abord signe d'unité entre les membres de la communauté particulière qui participe ou assiste à une cérémonie; c'est aussi un signe d'unité universelle de l'Eglise avec le pape et les évêques. Mais elle surtout porteuse d'un message qui transcende les réalités terrestres, en tout premier lieu par les sacrements du baptême et de l'eucharistie. La répétition des gestes et des paroles du Christ au cours de la messe constitue rappelle en particulier que la Passion du Christ est offerte pour le Salut de tous nos frères humains passés, présents et à venir. Salut qui nous est proposé par la communion au corps du Christ, pain de la vie éternelle.

Cette espérance du Salut doit donc nous pousser à accorder toujours plus d'importance à la beauté de nos liturgies. non pas que cela soit un "travers de maniaquerie", pour reprendre la formule utilisée par Mgr Vingt-Trois lors des obsèques du cardinal Lustiger évoquant ceux qui oser formuler des critiques sur les efforts de ce dernier en faveur de la beauté liturgique dans le Diocèse de Paris. Car, en effet, la liturgie est un aspect fondamental qui permet au fidèle de comprendre un message qui donne pleinement sens à son humanité.

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